Aziza Wassef : « France 24, c’est un concentré de nouvelles énergies de gens venus de différents pays ! »

Aziza Wassef - crédit photo : Damien D. / TéléSphère;
Aziza Wassef – crédit photo : Damien D. / TéléSphère;

Journaliste égyptienne, Aziza Wassef a quitté les rives du Nil pour les bords de Seine voilà plusieurs années. Sur France24 depuis la création de la chaîne, elle présente aujourd’hui, les JT et le magazine Intelligence économique sur l’antenne en langue arabe. Dans le contexte du lancement de France24 en arabe 24h/24, qui a eu lieur le 12 octobre dernier (lire notre reportage), Aziza nous en présente les enjeux, et revient pour nous sur son parcours.

Aziza, quel a été votre parcours avant France24 ?

Je suis journaliste égyptienne ; j’ai commencé à travailler dans une chaîne d’info au Caire : NileTV. Je présentais les news en français et je faisais des reportages. Un jour j’ai décidé de changer, je suis venue en France et quelques mois plus tard, j’ai appris que se créer la CNN de la France, France24. J’ai envoyé mon cv, le lendemain on me rappelait et j’étais embauchée (rires). J’ai rejoint France24 avant même le lancement de la chaîne, cela a commencé sur Internet. Ensuite, il y a eu le lancement de la chaîne, puis les 10h d’antenne en langue arabe, des 14h et maintenant des 24h/24.

En Egypte vous avez travaillé sept ans sur NileTV. Quelle était la ligne éditoriale des cette chaîne ?

NileTV était une chaîne d’infos mais aussi de reportages culturels et sociaux. C’était une chaîne francophone qui s’adressait aux étrangers en Egypte, ou qui s’intéressaient à l’Egypte. Elle était diffusée dans des pays francophones, puis anglophones et à la fin il y avait même un canal en hébreu.

Que retenez-vous de cette expérience ?

C’est grâce à eux que j’ai pu comprendre beaucoup de choses. Ce sont les premiers qui m’ont appris les règles de la télévision : comment écrire pour la télé, regarder la caméra, présenter un journal, mouvements, documentation… tout! Ce sont eux qui m’ont donnée envie de faire ce métier. J’ai appris à travailler dans des conditions un peu difficiles sur le plan éditorial car on n’avait pas le même degrés de liberté d’expression qu’ici, il y a des tabous, comme dans tous les pays, et des interdictions. La chaîne n’avait pas beaucoup de moyens, j’ai du me débrouiller et ne pas trop râler sur les problèmes techniques, être patiente… Cela m’a fortifiée pour d’autres médias! (rires). Et puis, c’était super, il y avait une bonne ambiance, c’étaient tous des jeunes entre 25 et 30 ans. C’était un peu comme France24 à ses débuts.

Qu’est-ce qui vous a motivé ensuite à rejoindre la France ?

Quand j’ai décidé de venir en France je n’avais pas de projet très clair en tête. J’avais l’impression d’avoir fait tout ce que j’aurais pu faire en Egypte et j’étais toujours curieuse de faire autre chose, de découvrir de nouvelles personnes, de nouvelles idées. Je suis partie un peu comme on prend une année sabbatique : j’ai pris des vacances de la télé égyptienne. Et j’ai tenté ma chance en France, en me disant que je serais peut-être de retour dans un mois, dans deux mois ou dans six mois… et six ans plus tard je suis toujours là, apparemment les vacances étaient bonnes, je ne rentre pas ! (rires)

« Le 12 octobre c’est la vraie date de naissance de France24 en langue arabe »

Vous avez vécu les passages de l’antenne arabe de France24 de 10h de diffusion par jour à 14h/24. Que représente pour vous ce passage à 24h/24 ?

Quand Alain de Pouzilhac le président de la chaîne a annoncé le passage de 14h à 24h, je n’étais pas sur place, j’ai eu la nouvelle par téléphone, mais j’ai ressenti qu’enfin on allait avoir une vraie identité, une vraie présence. Avec la diffusion 14h/24, on était un peu un truc qui était là de temps en temps et il y avait sur les écrans de France24 cette phrase « France 24 en arabe revient demain à 14h »… c’était vraiment très pauvre comme phrase et ça m’angoissait beaucoup. Là on va devenir une vraie chaîne, et c’est génial de pouvoir le dire! Le 12 octobre c’est la vraie date de naissance de France24 en langue arabe, à la fois au sein de France 24 avec ses deux autres antennes et sur la scène internationale comme chaîne à part entière.

Comment s’organise la chaîne et la rédaction avec ces 10h d’antenne supplémentaires ? Quelles sont les adaptations apportées ?

C’est vrai que c’est 10h en plus mais c’est aussi d’autres équipes. Il y a eu beaucoup de recrues, des gens très compétents, qui ont eu de superbes expériences. Il y a aussi beaucoup de jeunes qui viennent d’autres horizons et qui ont envie de faire plein de choses. Ils apportent une certaine énergie. C’est génial et c’est vraiment très coloré. C’est un concentré de nouvelles énergies de gens venant de différents pays et c’est ça qui est magnifique. Donc humainement on a les moyens! Et même s’il y a beaucoup de jeunes, ils vont vite s’adapter, ils sont prêts à aller très très loin et à s’investir à fond. La chaîne va très vite progresser. On a aussi des correcteurs d’arabe qui ont pour mission de vérifier que l’arabe à l’antenne soit parfait : il y a des mots différents selon les pays. On va unifier le vocabulaire pour atteindre une perfection linguistique à l’antenne.

L’accent a été mis sur la diversité des journalistes ?

C’est très important. Il y a des gens de différentes nationalités, des jeunes, des gens plus expérimentés, il n’y a pas de courant politique à France24, même si on vient de pays différents avec des idées différentes, on est neutre à l’antenne. On est journalistes, on n’est pas des militants, on n’est pas là pour revendiquer quoique ce soit! (rires)

Qu’en est il des égyptiens ?

Je suis la seule égyptienne à France24… et ça ne me dérange pas! (rires) C’est une question de communautés, de migration. En France il y a plus de libanais ou de gens du Maghreb, les égyptiens sont plus anglophones…

Allez-vous poursuivre vos interventions sur l’antenne francophone, avec « Une semaine au Maghreb » ?

Pour des raisons de planning je ne vais pas pouvoir continuer à présenter Une semaine au Maghreb, mais peut être plus tard… Je n’ai pas de projets particulier en français, si on me propose oui pourquoi pas. J’ai travaillé en français en Egypte, je travaille en arabe en France, mais cela ne me dérange pas. L’important c’est le cumul de tout, qu’au bout d’une carrière de 30 ans je puisse dire que j’ai travaillé dans les deux langues.

Ne craignez-vous que travailler uniquement en arabe ne vous ferme les portes de rédactions de chaînes francophones telle France 2 ?

Je suis très contente de travailler en arabe, de m’adresser à un public arabophone. Je crois qu’on apporte quelque chose de différent, France24 est une chaîne vraiment différente des autres chaînes arabes. Et ça me fait plaisir de sentir que je participe à un projet différent : je ne suis pas une copie de toutes présentatrices françaises ni de toutes présentatrices arabes. Je suis entre les deux cultures et je suis capable de rapprocher ces deux mondes. Je vis en France et présente les news aux arabes dans leur langue avec une mentalité française. C’est ce mélange qui me plait et c’est ce qui fait la spécificité de France24.

Vous avez pourtant commencé votre carrière en français sur NileTV. Comment êtes-vous venue à travailler dans cette langue ?

J’ai été dans une école de sœurs franciscaines francophones. Il y a beaucoup d’écoles comme ça au Caire. J’y ai appris le français dès l’âge de 4 ans. J’ai suivi ensuite toutes mes études en français à l’Université, et j’ai fait une école de littérature et de traduction de langue française. Je suis une vraie francophile, j’adore la littérature française. Le français devient moins parlé dans les pays arabe, en Egypte surtout et c’est pour ça que j’ai voulu travailler en français. Je connaissais des gens dont le français était la langue maternelle, ils avaient une façon douce de faire apprendre et découvrir la langue. Cela a été le cas au début de France24 aussi avec un des rédacteurs en chef. Mais avec le temps il n’y a plus eu ça, je suis passée de la période « oriental floral » au style sec français. Je me sens beaucoup plus à l’aise maintenant, ce n’était pas le cas avant, avec la langue arabe, j’ai plus envie de la connaître mieux, de la posséder. Quant au français, je me dis que tous les français parlent très bien français donc on verra plus tard (rires).

« L’intelligence économique est un concept très français, c’est un exemple de ce que la culture française peut offrir. »

Qu’allez-vous nous proposer sur France24 en 24h/24 ?

Je vais continuer de faire les journaux de 8h à 16h du lundi au jeudi. Et je continue aussi de présenter le magazine Intelligence économique. Avec le passage aux 24h le magazine passe de 10 minutes à 20 minutes. Les sujets abordés ne sont pas du tout communs dans le monde arabe, ce n’est pas de l’économie pure. On y parle plus des coulisses de la guerre économiques : contrats d’armement, espionnage, communication… On découvre des choses, quand on creuse un peu on s’aperçoit que certaines choses ont plus d’importance que ce que l’ont croit : implantation de supermarchés dans tel pays, qui est gagnant ? Un exemple récent : les pays arabes qui font une course à l’armement, au final ils n’ont pas besoin de ces armes, ils font cela dans l’intérêt des occidentaux… L’intelligence économique est un thème génial! Je suis contente de le présenter en arabe car aucune chaîne arabe n’a pareil programme. L’intelligence économique est un concept très français, c’est un exemple de ce que la culture française peut offrir.

Quelles sont les particularités de l’écriture de vos journaux pour un public vaste et arabophone ?

Comme toutes les chaînes, on va suivre les dépêches et couvrir l’actualité. La différence se fera sur les débats, les talk-show, les invités en plateau… Le matin la conférence de rédaction est commune aux trois antennes (franco, anglo et arabe) et décide des sujets. La spécificité est plus sur les enquêtes, les reportages. Un journaliste sur le terrain va être un mix de l’objectivité occidentale et du ressenti que peut avoir un journaliste oriental. On va éviter les clichés, les raccourcis… Ce qui donnera une vraie crédibilité surtout pour une chaîne internationale. Si on écoute l’ambassadeur sur le terrain, le journaliste arabophone qu’on écoute sa façon de voir les choses, là je suis sure qu’on arrive sur un reportage bien équilibré objectif et convaincant.

Qu’aimez-vous dans votre métier et aimez moins ?

Ce que j’aime c’est que c’est toujours nouveau, ce n’est jamais la même chose. On est toujours pousser de lire, de creuser un peu plus. On ne peut pas tout savoir. Ce qui est beau dans ce métier c’est qu’on n’arrête pas d’apprendre! Il y a toujours quelque chose à découvrir.

Ce que je n’aime pas. On est obligé de suivre l’actualité, et cela a des impacts sur le plan personnel, social parfois : on ne voit plus ses enfants, sa famille, ses amis… on n’a plus de vie sociale! On se rend compte qu’on a donné 30 ans pour ce métier et qu’on est passé à coté de tout ça. Il faut rester vigilant. Si on se laisse faire par ce métier; on se fait bouffer ! (rires)

La dernière question et réponse… c’est en vidéo que ça se passe….

Un grand merci Aziza pour cet entretien fort sympathique!

par Damien D.

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