[COP21] Philippe Verdier : « Il y a une absence de débats en France »

Philippe Verdier dans « Parole libre » sur Russia Today
Philippe Verdier dans « Parole libre » sur Russia Today

Depuis la sortie de son livre « Climat Investigation » aux éditions Ring, le 1er octobre, Philippe Verdier s’est vu critiqué, ostracisé et même licencié de FranceTélévisions. Des conséquences aussi lourdes qu’inattendues pour être critique vis-à-vis du fonctionnement des COP. Désormais il suit la COP21 pour Russia Today en français avec une chronique intitulée « Parole libre ». Éclairage.

Critiqué, taxé de climato-sceptique, licencié. Rarement la sortie d’un livre n’a eu de telles conséquences. Pourquoi tant de haine ? Comment avez vous vécu toute cette histoire ?

L’histoire qui m’arrive depuis deux mois apporte beaucoup de questions sur la liberté d’expression en France et le droit à l’information. Cela soulève aussi des interrogations sur le fonctionnement des médias. Quand « Climat Investigation » est sorti, il n’était pas attendu. Il était atypique dans son style comme sur le sujet. Dans un premier temps, il a été très bien accueilli par une presse à laquelle je ne m’attendais pas. Parce qu’en tant que journaliste météo à la télévision, je ne pensais pas que le livre m’aurait valu de longs articles voir même des dossiers complets dans des journaux aussi différents politiquement que Valeurs Actuelles et Marianne ou dans la presse économique. Puis, dans un second temps, une partie de la presse, en particulier la presse en ligne qui est dans une course à la publication, qui n’a pas lu le livre, n’en a retenu que la 4è de couverture et les accroches des bandes annonces. Ils m’ont alors présenté comme un climato-sceptique. Or par définition, un climato-sceptique est quelqu’un qui réfute l’idée que l’Homme est responsable du réchauffement climatique. Ce qui n’est pas mon cas ! Il suffit de lire le livre pour s’en rendre compte. Le fait d’être critique vis-à-vis des Nations Unies, de la COP21, et du GIEC leur a fait revoir cette définition pour me coller cette étiquette. C’est hallucinant ! Enfin, la sanction suprême est venue de FranceTélévisions, qui m‘a d »abord écarté de l’antenne avant de me licencier.

A l’étranger, « Climat Investigation » a été bien reçu par contre ?

J’ai été très agréablement étonné des retombées médias à l’étranger où près de 500 articles et interviews ont été consacrés au livre. Souvent il s’agissait d’articles de fond, sérieux et des questions pertinentes pour ce qui est des interviews. Ainsi, il y a eu des parutions au Canada, au Royaume-Uni, en Italie, et sur des médias comme CNN ou Russia Today. El Mundo, en Espagne, va également bientôt sortir un papier. La plupart des médias étrangers ont été scandalisés par mon licenciement et se posent des questions sur la liberté d’expression en France. Ce qui me gêne c’est qu’il y a une absence de débats en France. Il y a 10 jours, j’ai participé à un débat sur la télévision Suisse, avec Corinne Lepage, un représentant de la fondation Nicolas Hulot et il y a eu ni invectives ni insultes. C’était assez constructif. Alors que je suis persona non grata sur les plateaux des chaînes du groupe FranceTélévisions ou chaînes dont le groupe est actionnaire : mes interventions sur France Ô et TV5Monde ont été annulées.

« La plupart des médias étrangers ont été scandalisés par mon licenciement et se posent des questions sur la liberté d’expression en France »

Comme le souligne le syndicat FO de FranceTélévisions, le traitement de la COP21 interpelle, faisant quasiment l’objet d’une d’une propagande… à laquelle vous n’avez pas résisté ?

C’est bien que les médias publics ou privés s’engagent sur des grandes causes comme le réchauffement climatique. Mais là dès qu’il y a une information différente ou critique, elle est marginalisée. Cette COP21 est un véritable rouleau compresseur, tout ce qui se met en travers est écarté ou écrasé. C’est ce qu’a représenté mon livre. Pourtant, le scandale n’est pas le livre, mais la sanction qui a suivi. Dans les médias publics doit s’appliquer le principe de neutralité. « Climat investigation » critique les COP dans leur ensemble car lors de leur organisation on gonfle le sujet artificiellement, et entre deux COP, il ne se passe plus rien. C’est ce double discours un peu schizophrène que je voulais dénoncer au travers cette enquête journalistique. Pour cette COP, nous assistons à une débauche d’informations et de moyens assez impressionnante. Quand on voit ce que les entreprises dépensent en matière de communication pour cette occasion, on se dit que cet argent pourrait plutôt être utilisé pour financer des projets environnementaux. Ce serait beaucoup plus efficace ! Et quand on entend que les négociateurs ont du mal à réunir des fonds pour aider les victimes du réchauffement climatique… un peu de sobriété serait la bienvenue.

Avec « Climat Investigation » vous donnez des éléments pour comprendre la complexité du fonctionnement des COP. Couvrir une COP n’est donc pas un exercice très évident pour les média ?

Il y a une dizaine d’années que je me suis intéressé au climat, avec la couverture de la Conférence de Bali en 2007. A TéléSphère, vous avez été les premiers à me poser des questions sur ce thème (interview conférence de Copenhague). Ces COP sont très difficiles à suivre car le sujet est très technique avec énormément d’informations. J’avais même repris mes études et suivi un master en développement durable pour avoir des clés de lecture parce que j’avais l’impression de me faire enfumer par la masse de rapports contradictoires. Le sujet est très difficile à traiter en média, surtout quand on n’a pas ces clés. Le climat est également compliqué à montrer en télévision. Par exemple il n’y a pas d’images qui illustrent les économies de CO2. De plus, résumer le réchauffement en une minute pour le 20h est très réducteur. C’est un sujet qui intéresse beaucoup de gens mais qui n’est pas calibré pour les médias.

Dans le livre vous mettez en avant l’action locale, celles des individus, des villes, des entreprises pour trouver des solutions. Les COP souffrent elles d’un problème d’échelle pour être efficaces ?

Ces conférences patinent depuis longtemps et leur ambition diminue à chaque fois. Il y a trop d’intérêts divergents entre les 190 pays participants pour que cela soit efficace. Le réchauffement climatique est une problématique planétaire, mais les solutions viendront plutôt à l’échelle locale, des villes, des PME, les multinationales… plus que des États eux-mêmes. Si la plupart des grandes villes agissent elles auront un poids pour que les États agissent ensuite.

A la mi-temps de la COP21, quelle est la température ?

En fait, c’est la première COP que je ne peux pas couvrir de l’intérieur, puisque l’accréditation que j’avais émanait de France 2, je ne peux pas l’utiliser. J’ai cependant des contacts au Bourget. Cette COP ressemble à toutes les autres, dans son rythme, dans son organisation. Plus le temps va passer, plus l’ambiance va se crisper s’il n’y a pas de texte d’accord. Dans les dernières heures, il y aura un peu de dramatisation. Le pape délivrera peut être un message ? Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU, va sans doute pleurer à la fin comme à chaque COP… C’est crispant pour le public. C’est digne d’un film hollywoodien et c’est en même temps très immature dans son organisation. S’il y a vraiment urgence climatique pourquoi ne réunit on pas l’argent nécessaire tout de suite comme cela a été fait pour le sauvetage des banques en 2008 ? A l’époque, les milliards versés aux banques auraient pu être conditionnés à leur réinvestissement dans des projets de lutte contre le réchauffement climatique. Cela aurait évité toutes les dernières COP et on aurait gagné 7 ans !

« Je suis totalement libre dans mes chroniques sur Russia Today. Il n’y a pas de censure. »

Depuis quelques jours vous suivez la COP21 et ses à côtés pour Russia Today en français. Là encore ce média vous vaut quelques critiques. Aucune chaîne française n’a voulu vous recruter pour couvrir cette conférence de Paris ?

J’aurais du couvrir la COP21 pour France 2. Il me restait donc deux possibilités : ou couvrir la COP ou…ne pas la couvrir. J’ai démarché des médias français, sans succès – les dispositifs étaient déjà en place et les demandes d’accréditations closes. Puis, Russia Today m’a fait une proposition 48h avant le début de la COP en ma garantissant une indépendance sur mes chroniques. Après si ça choque de voir un journaliste français travailler pour un média russe alors que nous vivons dans un monde globalisé, c’est avoir une vision très fermée. Je suis totalement libre dans mes chroniques, il n’y a pas de censure. Je suis très content, ça se passe bien. Nous tournons une chronique par jour. C’est la première fois que RT produit une chronique avec une journaliste français. Aux États-Unis, Larry King a son propre show sur Russia Today !

Lors d’une interview dans le Grand Direct des médias de Jean-Marc Morandini sur Europe 1, vous avez déclaré avoir engagé une procédure aux prud’hommes contre votre ancien employeur France 2 pour être rétabli dans vos fonctions, plutôt que de prendre un gros chèque. C’est louable. Mais après tout ce qu’il s’est passé ne craignez vous pas que cela soit compliqué de retravailler là-bas ?

Je n’accepte pas la décision de France 2 et je n’ai pas en tête de demander de l’argent. La plainte est aux prud’hommes. Si le tribunal déclare la nullité du licenciement, il y a réintégration dans l’entreprise. Je ne pense pas que ce soit difficile car il y a une bonne équipe. Mon travail me manque. Quand la COP21 sera passée, personne n’en parlera plus…

Toujours sur Europe 1, vous avez déclaré qu’après la COP21, c’était le Pôle Emploi qui vous tend les bras. Franchement Philippe, si vous ne misez pas un kopeck sur les COP pour les questions de climat, croyez vous réellement que le Pôle Emploi est plus efficace pour résoudre le chômage ?

Je vais expérimenter sur mon cas personnel. En même temps, tout a été très vite ces derniers temps. La COP21 est en cours. Je n’ai pas eu le temps de chercher un autre média pour le moment. On verra en 2016 !

Retrouvez les chroniques « Parole libre» de Philippe Verdier sur Russia Today.

Merci beaucoup Philippe !

par Damien D.

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