Samira Ibrahim : « C’est une passion,
c’est une drogue ce métier ! Pourvu que ça dure ! »

 

Samira Ibrahim sur le plateau de « Talents »
Samira Ibrahim sur le plateau de « Talents »

Samira Ibrahim, journaliste sur Demain.TV , nous a fait découvrir, depuis mars 2008, ce que pourra être notre avenir dans « De quoi demain sera fait ? »… Question avenir, sur Demain.TV, celui de Samira se conjugue avec « Talents », le magazine des rendez-vous de la diversité. De talents, d’ailleurs elle ne manque pas, pour exercer également sur France Ô dans « Toutes les France » et « Business Africa », en radio sur Monte-Carlo Doualiya , et encore pour l’agence Reuters … Des activités plurielles, à l’image de ses origines, plurielles elles aussi ! Rencontre…

Samira, pour mieux vous connaître, commencez donc par votre présentation…

Ma formation…Un Bac L, puis deux ans de droit… mais j’ai changé car j’ai compris que je ne voulais pas être avocate ! J’étais très intéressée par les relations internationales ; je suis entrée à l’Inalco (institut national des langues et civilisations orientales) pour y étudier l’histoire, sciences politiques du monde arabe,… Et un master d’études juridique à Paris I. Très tôt j’ai fait des stages au cours de mes études, en radio, et à Canal Plus Horizons, une expérience qui m’a marquée : j’étais au service communication Relations Presse… et on m’a très vite proposé de passer des castings pour la présentation d’émissions, c’est là que j’ai attrapé le virus du journalisme !

Comment est venue l’envie de devenir journaliste ?

Pendant longtemps, j’ai fait du théâtre, j’ai voulu devenir comédienne, mais mon père n’était pas très enthousiaste ! (rires) Puis, je me suis intéressée aux relations internationales, et pendant mes études, mes stages ont toujours été liés au journalisme. J’ai tout de suite accroché étant déjà très curieuse de nature, j’avais envie d’apprendre au travers des gens leurs histoires…

Depuis le 20 mars 2008, on a pu vous découvrir sur Demain TV en tant que chef d’orchestre de l‘émission « De quoi demain sera fait ? ». Qu’est-ce qui vous a motivée à rejoindre cette chaîne ?

Demain était une chaîne que je connaissais déjà quand elle appartenait à Canal. C’est une chaîne qui m’a toujours attirée : la thématique de l’emploi, et aussi une dimension plurielle, une diversité appliquée, c’est à dire qu’il y a autant la diversité des thématiques, des personnes, des régions aussi… La diversité des diversités ! Alors quand on m’a fait la proposition de reprendre « De quoi demain sera fait ? », je n’ai pas hésité, j’étais ravie : une émission qui a une vision futuriste des choses, tachant de répondre à bon nombre de questions que tout le monde se pose : Voyagera t-on dans l’espace ? Comment se soignera-t-on demain ? Comment s’habillera-t-on ? Quel sera notre habitat ?… C’était aussi la première fois qu’on me proposait des sujets qui n’étaient pas en relation avec le monde arabe, j’avais envie de changer un peu aussi et de travailler en langue française.

« Demain.TV est une grande famille où il y règne un grand esprit d’équipe, c’est d’autant plus appréciable d’y travailler ! »

Quel est votre programme pour cette saison sur Demain ?

Déjà je ne présente plus « De quoi demain sera fait ? », je reprends « Talents » qui était présentée par Sarah Belabes .
Dans le concept « Talents » n’est pas très éloignée de « C’est aujourd’hui demain » une émission que je présentais il y a 4 ans sur Radio Orient, où au travers d’interviews, je mettais en lumière des gens par leur parcours, leur initiatives…
« Talents » est une émission ouverte, avec un lien fort avec le monde de l’entreprise. J’y reçois des personnes de la société civile, des gens qui oeuvrent à créer des liens sociaux… Il s’agit de diversité dans la pratique. Par exemple, j’ai reçu une personne de la Fondation RATP qui parle de Talents des Cités . La palette des sujets et des invités est très large…
Huit émissions ont été tournées et seront diffusées prochainement.

En télévision, vous travaillez également pour France Ô… Quelles y sont vos responsabilités ?

Alors sur France Ô, j’interviens dans deux émissions. Je présente « Business Africa » , et avant cette émission, je présentais « Initiatives Africa » (un magazine qui donnait à voir une autre Afrique, un continent qui bouge et qui voit germer plein d’initiatives positives en matière d’environnement, d’éducation, de santé ou encore de culture, j’y interviewais des personnalités…). « Business Africa » est un magazine économique portant sur le continent africain diffusé en bimensuel sur tout le continent africain. Cette émission est très suivie, notamment par les hommes politiques et les leaders d’opinions…

Je suis journaliste pour « Toutes les France », émission phare de France Ô, présentée par Ahmed El Keiy . Elle propose des débats, des analyses tranchantes, sur l’actualité tant en matière économique, sociale ou politique… avec la présence de spécialistes, de ces domaines, que l’on n’a pas souvent l‘habitude de voir ailleurs à la télévision. La deuxième saison a commencé le 22 septembre avec des thèmes tels que Afghanistan quelle issue ? La France est en nous ? La justice face aux traditions ? Outremers : la France invisible ? Iran : la confrontation inévitable ? Quelle diversité sur les écrans ?

Comme vous nous l’avez dit précédemment, vous œuvrez aussi en radio… Actuellement sur Monte-Carlo Doualiya…

Monte-Carlo Doualiya est une filiale de RFI, c’est une radio française en expression arabe diffusée dans tout le monde arabe : maghreb, le machrek… J’ai découvert cette radio assez tôt, j’ai passé un concours suite aux conseils d’un de mes collègues de Canal… et j’y suis restée un an ! Avec cette radio j’ai l’impression de voyager tout le temps ! (rires) J’ai ensuite suivi d’autres expériences… Après un coup de fil d’Agnès Levallois (actuellement rédactrice à France 24), je suis revenue vers cette radio pour y présenter « Le journal des bonnes nouvelles » . Ce journal, consacré à l’actualité, se veut un peu comme l’expression en arabe « Sada aw sokar ziyada » en référence au café qui se boit amer ou très sucré, tout comme l’actu qui est souvent amère ! En fait on informe les auditeurs en les divertissant ; nous sommes trois présentatrices avec chacune notre regard, notre point de vue… C’est une émission qui marche bien, à cela nombre de raisons : Paris fait rêver, et si on parle arabe à l’antenne, on vit, on rêve, on réfléchit en français, et cela se transpose à la radio. Ce journal est resté longtemps la première émission sur le net (en terme d’audience).
Et puis je présente également, une émission musicale : « Musique tout simplement « … C’est assez éclectique : Dee Dee Bridgewater, Bernard Laviliers… C’est très sympa ! (rires)

Vous exercez aussi pour l’agence Reuters… Quelles y sont vos activités ?

Avec Reuters, c’est une collaboration qui m’enchante et ça fait trois ans que ça dure ! Je suis Journalist-Producer : je fais des reportages news pour les différents fils de l’agence. Je traite toutes sortes de sujets ; politiques, économiques, culturels… Par exemple, en 2005, j’ai été dans les premières à couvrir les émeutes de banlieues -j’ai d’ailleurs failli me prendre une boule de pétanque en pleine tête- et les images tournées ont été reprises et ont fait le tour du monde !!

Des émission de télés, la radio, Reuters,… Beaucoup de choses ! Comment conciliez-vous tout cela ?

Si on continue à me poser cette question, je vais vite finir sur TF1 ! (rires) Cela veut dire que dois être bonne dans ce que je fais ! (rires) C’est une question d’organisation, il m’arrive de bosser le week-end… C’est une passion, c’est une drogue ce métier ! Pourvu que ça dure ! (rires)

Samira à quoi ressemble une de vos journées de travail ?

Je me lève souvent très tôt ! En général, pour les émissions, il y a beaucoup de préparation en amont : appeler les invités, se caler des rendez-vous, et ce n’est pas toujours facile, par exemple avec le directeur de L’Oréal Europe qui est une personne dont le planning est bien rempli… Quand ce n’est pas la télé c’est pour la radio… Je lis les infos, je suis l’actu, car c’est la base. Je fais travailler mon imagination pour ne pas véhiculer de l’info brute, je travaille des petits sketchs ou des histoires surtout pour mon émission de radio (pour Reuters j’essaie de proposer des angles différents).

Si l’on prend vendredi 19 septembre par exemple, j’avais cinq tournages d’émission.. A la télévision, passage obligé par le maquillage. Avant de tourner, il faut mettre à l’aise les invités, discuter avec eux pour qu’ils oublient leur stress… Quand un invité est en retard, là c’est moi qui stresse !(rires) C’est assez épuisant, mais j’en redemande !(rires) Même en vacances, j’ai toujours l’esprit à ça, je me dit « Tiens ça ferait bien une chronique ça ! ».

Outre les médias, il y a quelques années, vous étiez chargée de communication au ministère de l’environnement (ndlr : gouvernement Raffarin, ministre Tokia Saïfi)… Comment vous êtes-vous retrouvée à ce poste ?

Par pur hasard ! Je travaillais alors à Radio Orient, j’assistais à une conférence de presse, j’ai posé des questions et fais part de mes avis… A l’issue de cette conférence de presse, un membre du ministère m’a demandée d’intégrer le cabinet ministériel de Tokia Saïfi. J’ai donc accepté, tout en continuant sur Radio Orient en parallèle. Mon travail consistait à la communication du ministère au niveau des pays arabes, Tokia Saïfi y étant quelqu’un de très appréciée.

Quelles impressions gardez-vous de cette expérience ?

C’était une expérience incroyable !! Ce n’était pas à refuser ! J’en suis contente et très fière ! Ils ont même voulu que je me lancer en politique… mais non… pour plus tard… peut-être, comme d’autres choses !

Samira, vous êtes française d’origine égypto-soudanaise, née à Beyrouth…Jean-Christophe Victor pourrait faire plein d’émissions à partir de tout cela ! [ndlr : présentateur du « Dessous des cartes » sur Arte]… ça vous dit un peu de géopolitique ?

Cela me dit mais pas tout de suite lorsque je présenterai une émission portant sur ces questions, je le ferai avec grand plaisir mais aujourd’hui ce n’est pas le cas. Sinon, à propos de mes origines, je trouve assez normal que cela suscite de la curiosité, étant très curieuse moi-même ! Je suis très à l‘aise avec ça ! Mon père est Soudanais (en fait Nubien), ma mère est égyptienne… et moi je suis née au Liban et je suis très contente de ma couleur et de mes origines plurielles ! Tout cela ne devient une richesse que si l’on fait la part des choses et qu’on les comprend. Je n’ai été qu’une fois au Soudan… Je suis très française, j’avais cinq ans quand je suis arrivée en France. Je suis très à l’aise dans les pays arabes, mais je m’exprime le mieux en français…

« Les origines ne deviennent une richesse qu’au moment où on se les approprient, pas avant. »

Justement, vous qui êtes sur la chaîne de la diversité, quelles sont vos réflexions sur la situation et les évolutions en France, ainsi que dans les médias, et en politique ?

Une chose est sûre, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas d’obstacles ! Mais il ne faut pas être contre-productif, ne pas faire peur aux gens, laisser le temps agir et rester ouvert. Il faut rester diplomate et aller vers les gens, car personne n’aime être forcé à faire les choses.

En ce qui concerne les médias, je pense qu’il y a du boulot pour tout le monde… mais il faut y aller en douceur et laisser du temps, le processus sera naturel. Je comprends qu’il y ait des gens impatients (la patience et moi ça fait deux !). Du côté des téléspectateurs, il n’y a pas de problème.

Au niveau politique, que l’on soit d’accord ou pas avec le Président de la République, malgré tout, c’est un geste fort que constituent les nominations de Rachida Dati, Rama Yade et Fadela Amara. C’est un acte citoyen dans le monde politique. C’est aux politiciens de donner l’exemple !
Autrement dans le monde de l’entreprise, il y a beaucoup moins de problèmes parce qu’il y a plus de pragmatisme. L’élite française n’est pas monocolore.
Il y a une dynamique, les gens ont été sensibilisés… Il faut que ça viennent naturellement.

Finissons plus légèrement… Qu’aimez-vous dans votre métier et aimez moins ?

Ce que j’aime, le fait d’être toujours en action sans faire d’efforts. Etre en contact avec les gens. C’est un partage, un lien qu’il y a avec les téléspectateurs, les auditeurs, les invités. J’ai besoin de ce contact, un peu comme d’être entourée ! On apprend aussi énormément ; il y a beaucoup de domaines que je n’aurais pas découvert autrement !
Ce que j’aime moins… c’est que parfois on est obligé de survoler, et c’est frustrant.
En fait, j‘aime tout ! (rires)

Quelles sont vos passions ?

Mes passions : mon métier, la découverte des gens, les mettre en avant, le cinéma, le théâtre, l’art sous toutes ses formes, voyager, c’est vital pour moi.

Quels sont vos projets Samira ?

Continuer sur cette voie, sur ce rythme. Collaborer avec d’autres chaînes… et pas nécessairement pour de l’info. Travailler sur une chaîne hertzienne… Surtout continuer à apprendre et à faire les choses que j’aime !

Pour clore cet entretien en beauté, livrez-nous votre dernier mot dans la langue qui nomme bon nombre d’étoiles…

Si pour finir cette interview, vous me dites merci, alors je vous répondrais en arabe Ahlan wa sahlan, qui s’emploie aussi bien pour remercier quelqu’un en retour ou pour lui souhaiter la bienvenue.
Ahlan veut dire que vous êtes au sein de votre famille
Sahlan est un terme qui rappelle les dunes et qui veut dire facile en arabe
Ahlan wa sahlan veut dire : vous êtes au sein de votre famille par conséquent tout vous est facile et accessible.

Un grand merci Samira pour cet enrichissant et plaisant entretien !

Propos recueillis par Damien D., le 1er octobre 2008.