Samira Ibrahim : « Talents est sans doute la seule émission axée sur les diversités, dans le PAF ! »

Samira Ibrahim

Dans une précédente interview, Samira Ibrahim nous avait fait voyager à travers son parcours et ses origines. Elle nous offre l’occasion de repartir de plus belle, puisqu’elle nous revient, depuis quelques semaines avec les épisodes inédits de « Talents », le magazine de la diversité de Demain TV.
Dans le titre « Talents » n’a rien d’Incroyable, mais seulement dans le titre. Pour les gens qui font battre le cœur de cette émission, s’en est tout autre : ils luttent tous à leur façon contre toutes les discriminations et agissent pour la promotion de la diversité. Incroyable qu’une telle émission doive exister, non ? Mais elle existe, grâce à Demain TV, uniquement. Laissons place au voyage maintenant en compagnie de Samira qui nous mène de « Talent  » … à bien d’autres horizons, parce qu’avec elle le voyage c’est en long courrier…

Dans les grandes lignes, quel est le concept et quelles vont être les thématiques développées dans les nouveaux épisodes de « Talents » (en cours de diffusion sur Demain TV) ?

« Talents » est une émission qui existait déjà sur Demain.TV et dont le principe est simple :
Je reçois des chefs d’entreprise, femmes ou hommes politiques, des responsables associatifs, des acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, qui, à travers leurs parcours et leurs actions ont choisi de lutter contre les discriminations et de promouvoir la diversité. Plus précisément, lorsqu’il s’agit d’hommes politiques, par exemple avec Patrick Karam, délégué interministériel à l’égalité des chances des français de l’outre-mer, nous avons abordé les politiques et les stratégies mises en place pour concrétiser cette égalité…Quand ce sont des chefs d’entreprise, l’idée est plus de mettre en avant les actions de leur entreprise. J’ai reçu Jean-Claude Legrand, directeur international du recrutement chez L’Oréal qui présentait les actions que mène l’entreprise sur le terrain, il y a un vrai fossé entre ce qu’ils font et ce que montrent les publicités de la marque « Parce qu’on le vaut bien » qui renvoient une image plutôt monocolore.

J’ai accueilli Samira Cadasse, en charge de la Diversité au sein du groupe Accenture, elle est l’ancienne porte-parole de « Ni putes, ni soumises ». Elle applique, au sein de l’entreprise, ses convictions en matière de diversité. Marc Cheb Sun, directeur de la publication de Respect Magazine , qui fait parler et travailler des artistes pour mettre en avant la richesse de la population française et sa diversité. Marine Demarville, qui a lancé le speed business à destination des afro-caribéens, cette démarche n’est pas communautariste, mais propose un système d’entraide … Elle me disait que la France est un beau musée : dans un musée on trouve beaucoup de choses, même de l’art contemporain et du design, la France est un pays qui a une grande histoire, mais qui reste figé…
C’est une émission très ouverte. Et ça me plait assez de rencontrer tous ces gens engagés pour la diversité qui ont pour point commun un amour profond de la France ! C’est un vrai melting-pot sur le plateau ! « Talents » est sans doute la seule émission axée sur les diversités, dans le PAF !

Comment dénichez-vous les invités qui participent à votre émission ?

Vous savez, les journalistes se laissent parfois aller à la facilité en privilégiant les « bons clients » ! (rires) C’est en cherchant sur le net, en parcourant la presse, et en parlant avec les autres que l’on provoque de nouvelles rencontres. Il y a finalement tellement de gens qui oeuvrent pour la diversité ! La plus grande satisfaction, que ce soit avec « Talents », ou avec « Toutes les France » , c’est que d’autres journalistes et d’autres médias découvrent des personnalités peu visibles auparavant. Nous contribuons, en quelque sorte à enrichir les débats en multipliant les profils et les points de vue.

Huit épisodes sont en cours de diffusion, y en aura-t il d’autres ensuite ? Si oui, y apporterez-vous des changements dans la forme ?

« Talents » est une émission bien implantée sur Demain.TV, et bien identifiée grâce à l’excellent travail de Sarah Belabes les saisons précédentes. Le format reste le même. Mais ce sont évidemment les personnalités des invités qui donnent aussi le ton. J’essaie d’installer une certaine proximité avec les invités sur le plateau, d’y instaurer une ambiance chaleureuse de sorte qu’ils s’y sentent bien, pour qu’ils oublient les caméras et les contraintes d’un plateau de télé. Je favorise la spontanéité.

« Rapprocher les chefs d’entreprises des chercheurs d’emplois, les politiques des citoyens… Créer des liens ! »

Quels sont vos objectifs et attentes avec ce programme ?

Disons que les objectifs sont de faire évoluer les mentalités, de faire venir plus de talents à « Talents »,de donner à voir la société dans sa complexité et sa multiplicité, de permettre à ceux qui ne se voient pas à la télévision de se regarder . La diversité dans « Talents » ce sont des seniors, des personnes handicapées, des femmes, des français de toutes origines… de toutes les diversités ! On vise à rapprocher les chefs d’entreprises des chercheurs d’emplois, les politiques des citoyens… Créer des liens ! Briser les plafonds de verre est aussi une autre de nos missions. « Talents » se veut être une émission citoyenne !

Samira, s’il était trois principales raisons pour inviter les téléspectateurs à venir suivre ce magazine, quelles seraient-elles ?

  • Découvrir et rencontrer des personnalités originales par leurs parcours et leurs actions comme par exemple, les actions contre l’illettrisme et l’échec scolaire de l’association REID de la cinéaste et écrivain Farida Belghoul.
  • C’est un moment de détente où on laisse les gens parler sans prétention.
  • Le moment de retrouver une animatrice que l’on ne voit pas sur les autres chaînes (rires)

Parlons d’une personne de talent que vous n‘avez pas (encore) reçu Samira, le talent de la semaine, voir de l’année, c’est bien sur Barack Obama élu à la Présidence des États-Unis. Comment avez-vous vécu cette élection et quel sentiment vous inspire-t elle ?

Eh bien j’ai couvert l’événement avec des émissions spéciales pour Monte-Carlo Doualiya ! Je l‘ai vécue comme un moment très fort, j’ai eu le sentiment de vivre quelque chose de très intense ! J’étais sûre qu’il allait gagner !!! (Oh j’ai bien eu quelques petits doutes deux jours avant quand même). Cette élection est un symbole qui montre aussi que les États-Unis font toujours rêver dans le monde, que le rêve américain existe toujours malgré la crise économique. Je trouve ça assez extraordinaire, quand je pense qu’en 1960, il n’y a même pas 50 ans, le premier étudiant noir entrait à l’université…et aujourd’hui, un Président noir à la Maison-Blanche !

« Un symbole pour l’humanité toute entière ! »

Par contre, je trouve que cela n’est pas comparable avec la France qui n’a pas la même histoire. L’obamania d’une certaine France a le mérite de focaliser l’attention (pour combien de temps ?) sur la place des minorités dans notre pays.
Ces questions de diversités se posent en France, mais Les Etats-Unis sont un pays qui évolue très vite. Des journalistes américains qui n’étaient pas pro-Obama ont pleuré au moment de son élection, tellement c’était grand ce qu’il venait de se passer, ce que leur pays peut faire ! Un symbole pour l’humanité toute entière !

En France, il faut continuer les efforts, en matière de diversités et peut être que cette élection va donner un coup de fouet, je suis sûre que les choses vont évoluer. C’est une occasion d’être « tendance », le métissage est à la mode. Obama est un métis, le métissage et le concept qu’il en a est important, il n’est pas le candidat des Noirs.. Sa vision des choses est assez tranchée par rapport à ses prédécesseurs.

Avec votre expérience de communication politique, comment avez-vous trouvé la celle de la campagne électorale américaine, véritable machine inégalée ?

Le monde entier a suivi la campagne américaine. Rouleau compresseur marketing avec des différences par rapport à notre système électoral qui contribuent à amplifier la démesure à l’américaine. Matraquage publicitaire avec des publicités comparatives entre les candidats que l’on peut voir au milieu des débats politiques sur les télés américaines ou moyens financiers colossaux. Il n’est pas question aux USA d’égalité de temps de parole entre les candidats, tout est permis ou presque, les moyens modernes de communication avec le public ont été instrumentalisés à l’extrême (sms, messages téléphoniques, courriers électroniques) pour inciter au vote, dénigrer ou encenser un candidat… Les meetings électoraux (rallyes) s’apparentaient à de véritables concerts de Rock.
Les américains souhaitaient à l’occasion de cette élection présidentielle donner une autre image de leurs pays et de leur démocratie comme pour dire » pendant les huit dernières années ce n’était pas vraiment nous ». Le Département d’Etat à, par exemple, invité 50 journalistes du monde entier pendant plus de quinze jours pour couvrir la dernière ligne droite de la campagne et le jour de l’élection. Le seul journaliste français sélectionné a été Ahmed EL Keiy , présentateur de « Toutes les France » sur France Ô et rédacteur en chef à Beur FM . Il a pu de manière originale et vivante rendre compte de l’effervescence américaine. Hélas, les télévisions françaises n’ont même pas regardé ce que faisait FranceÔ. Quel dommage, on passe à côté de tellement de choses, et on passe notre temps à faire ce constat !

Une des difficultés qui va se présenter au nouveau Président, c’est la crise économique… Il se trouve que l’économie est à l’honneur dans « Business Africa »… Si les premiers effets de la crise se font sentir en France, l’Afrique n’en paiera-t elle pas à nouveau le prix fort alors qu’elle n’y est pour rien ?

D’après les experts, notamment selon Christian De Boissieu, Président du Conseil d’Analyse Economique français, que nous avons interrogé dans un précédent numéro de Business Africa , non!
Le continent africain, n’est certes pas épargné par la crise, mais les conséquences de ce crash historique seraient moins importantes dans les pays émergents. Le continent africain est à un carrefour mondial. Beaucoup de choses se jouent au niveau économique, mais qui ne profitent pas à la population locale, comme l’essor de l’Angola avec le pétrole…

Les économies occidentales sont à la peine, mais on voit que la Chine investit beaucoup en Afrique (ne se souciant pas des régimes en place, Zimbabwe, Soudan..), la Chine sauveur de l’Afrique ?

L’avantage de la Chine c’est qu’elle ne pose pas de questions. La Chine et l’Inde sont très présentes en Afrique Noire et au Maghreb… Au Soudan aussi, où la chine continue à gagner du terrain au moment où la France et les Etats-Unis font pression pour régler le cas du Darfour. Elle devient un allié économique fort un peu partout, et dans de nombreux domaines. Le rapport avec la Chine est différent, il n’y a pas eu d’histoire coloniale avec ce pays…La présence chinoise n’est pas nécessairement mieux, mais elle rééquilibre les choses, les Etats-Unis et l’Europe perdant du terrain. Le Nigeria par exemple attire beaucoup les chinois, 3 milliards d’euros ont été échangés en 2007 entre ce pays et la Chine, qui en est devenu l’un des principaux partenaires. La Chine acquiert aussi des terres au Cameroun pour quelques miettes, et y développe ensuite l’agriculture….

Si dans « Business Africa » on discute de chiffres, je jongle entre les francs CFA et les euros, il est aussi question d’aspects de la société africaine et de cultures, dont on n’entend pas parler bien souvent, comme un sujet consacré aux cimetières privés au Congo qui génèrent beaucoup de business : il est important là-bas de donner une sépulture digne aux morts…

Samira, lors de notre dernier entretien vous nous parliez de vos projets d’évoluer sur des chaînes hertziennes. M6 va lancer un 20h, une telle aventure ne vous tenterait-elle pas ?

Toutes les aventures me tentent ! On m’a bien contacté pour me proposer de faire la pluie et le beau temps, tiens pourquoi pas même si ce n’est pas spécialement ma priorité.

« Toutes les aventures me tentent ! »

Toutes les aventures me tentent ! et surtout je me sens la possibilité de faire des choses très différentes : je peux être très sérieuse mais aussi très folle !!(rires) J’ai envie de présenter des magazines ou des émissions, et j’aurais dit oui pour la Nouvelle Star, ou le grand journal de Canal !! (rires) .Mais malheureusement je crois qu’ils ne savent pas que Samira Ibrahim existe, Damien voulez-vous bien devenir mon agent ? (rires)

Plus sérieusement, les responsables de chaînes et de programmes ont tendance à mettre les gens dans des boites, je peux faire plein de choses, et je ne veux pas être dans une boite, je suffoquerais !! (rires) Je peux rentrer dans tous les rôles ! Les dirigeants devraient être plus fun, prendre des risques aussi, comme en matière de diversité, on cite Harry Roselmack sur TF1, mais si Canal ne lui avait pas donné sa chance, serait-il là où il en est actuellement ?
Je reste toujours très ouverte et curieuse !
Une nouvelle fois merci Samira !!! Mais, merci est-il un mot encore suffisant, pour vous remercier ?…question à méditer !

par Damien D., le 18 novembre 2008.