Christine Kelly : « Il est très important que les chaînes jouent leur rôle social » (1re partie)

Christine Kelly dans son bureau du CSA - crédit photo : Benjamin Decoin
Christine Kelly dans son bureau du CSA – crédit photo : Benjamin Decoin

Christine Kelly est à l’origine de la Charte de lutte contre l’obésité qui a été signée le 21 novembre dernier pour un renouvellement de cinq ans. Elle est également responsable de nombreuses autres avancées tant sur la publicité, le placement de produits ou la citation des réseaux sociaux. Tour d’horizon de ses actions au CSA.

Le renouvellement de la charte de lutte contre l’obésité est-il un aboutissement pour vous, venu ponctuer vos précédentes initiatives en la matière ?

Cette charte est une vraie fierté, sans doute l’une des plus belles, pour moi, au CSA. Nous avons réussi à rassembler les annonceurs, les producteurs, toutes les chaînes de télévision ! Le 21 novembre, tous les présidents de chaînes et les ministères de la culture, de l’Outre-mer, de l’agriculture, de la jeunesse et sports, de la santé et de l’éducation ont signé la nouvelle charte qui sera appliquée à partir du 1er janvier 2014 et ce pour 5 ans. Cette charte vise à rassembler tous les acteurs de l’audiovisuel pour produire et diffuser des documentaires et des programmes de tous types pour apprendre à manger et bouger. En effet, il est très important que les chaînes jouent leur rôle social. Il y a désormais de nombreux messages qui apprennent aux enfants à ne pas grignoter entre les repas, à pratiquer une activité physique régulière, voir du sport, à manger équilibré… Nous avons fait évaluer la première charte (2009-2013) et les résultats de cette étude TNS-Sofres rapportent que pour 7 personnes sur 10, elle a eu un impact sur leurs comportements alimentaires. C’est énorme et c’est un vrai succès !

Cette charte de lutte contre l’obésité est aussi unique au monde. La France est le premier pays a en avoir mis une en place. Le France est aussi le seul pays où l’on ne voit personne manger et boire devant un écran de télévision ou d’ordinateur dans les publicités qui sont diffusées. Il n’y a pas d’incitation à la sédentarité devant la télé comme c’est le cas dans les autres pays…

Les téléspectateurs vous doivent le respect de la loi en termes d’accessibilité des programmes, ou encore la baisse du volume sonore des pubs… et la liste est encore longue. Pouvez vous nous dresser un bilan des ces 5 années au CSA ?

Comme pour la charte de lutte contre l’obésité, la France est le premier pays au monde à avoir appliqué, le 19 juillet 2011, une réglementation qui fait en sorte que le volume sonore des publicités ne doit pas dépasser celui des programmes ET, car nous avons été plus loin, que le volume sonore soit équivalent d’une chaîne à l’autre. Le téléspectateur n’a plus besoin de prendre sa télécommande pour baisser le son dès lors qu’il zappe ou qu’il y a la pub. Quand je suis arrivée au CSA en 2009, en tant que présidente du groupe de travail sur la publicité et la protection du consommateur, on recevait une plainte de téléspectateurs tous les 2 ou 3 jours sur le volume sonore des pubs. Désormais le nombre de plaintes pour ce motif a chuté de 75 %. C’est une victoire !

J’ai également travaillé sur l’accessibilité des programmes pour les sourds et malentendants, qui représentent 6 millions de personnes en France. Rendre les programmes accessibles est assez coûteux. J’ai rassemblé les chaînes et discuté avec elles. Puis, je me suis rendue aux États-Unis, au Royaume-Uni, des pays plus avancés que nous sur le sujet, en Italie aussi pour savoir ce qu’ils avaient mis en place. Je suis revenue en France avec des solutions. Ainsi maintenant, toutes les chaînes, qui font plus de 2,5 % d’audiences, sous-titrent 100% de leurs programmes. Une exception cependant pour les chaînes d’infos, pour qui le sous-titrage de 40 % de leur antenne serait une catastrophe budgétaire. Cela représenterait 15 % de leur budget. J’ai demandé aux chaînes d’infos de se partager les tranches du matin, de l’après-midi et du soir pour le sous-titrage, et en plus de proposer un journal en langue des signes. C’est là encore une victoire avec les chaînes. Les associations de sourds et malentendants avec qui j’ai travaillé sont ravies de ce grand pas en avant. Et quand j’ai été voir sur place, au sein des chaînes, comment ça se passait, j’ai été contente de voir que les appréhensions du début avaient disparues. La complicité entre un présentateur et son traducteur en langue des signes m’a même émue : on a gagné le mélange du « monde des sourds et malentendants » et celui des « valides ». On avance ensemble.

Le temps de parole durant la campagne des élections 2012 a été un dossier très important. A cette période, j’ai travaillé 7 jours sur 7 pendant 10 mois. Pour la première fois de son histoire, j’ai ouvert les portes du CSA aux candidats à la présidentielle et aux partis politiques. Nous avons voulu être irréprochables sur le respect du temps de parole à la télévision et en radio. Résultat : pour la première fois, le CSA n’a reçu aucun recours de la part de candidat à la présidentielle ! La démocratie et le pluralisme ont été respectés. Nous avons usé de pédagogie pour apprendre aux chaînes de télé, aux radios, aux téléspectateurs et aux partis politiques ce qu’est le temps de parole.

« A quoi ça sert d’occuper un poste à responsabilités si ce n’est pas pour agir pour l’intérêt général ? »

Mes missions m’ont conduite à m’intéresser au placement de produit. J’ai dessiné les contours de sa mise en œuvre, défini les programmes éligibles au « P » du placement de produit. J’ai également permis l’allongement de la durée des écrans publicitaires, passant de 3 à 6 min, dans le but de pallier la crise de la publicité. Si la pub peut parfois sembler agacer le téléspectateur, elle nourrit les chaînes. TF1, M6, BFM TV, i>TELE… Elles vivent toutes de la publicité. Le CSA reste vigilant sur le marché publicitaire, car pour toute chute, il y a risque de dégradation de la qualité des programmes proposés. Nous n’allons pas donner à voir n’importe quoi à nos enfants ! Ensuite, je me suis penchée sur le cas de la citation des réseaux sociaux Twitter et Facebook et à faire vivre le CSA avec son temps. Il y a les marques comme Sony, Carrefour ou Coca-Cola, que l’on ne peut citer à l’antenne, en-dehors des écrans publicitaires, alors que c’est le cas pour d’autres comme les titres de presses tels Le Parisien, Libération ou le Figaro. Twitter et Facebook sont des plateformes d’informations. En permettant de citer Twitter et Facebook, les chaînes peuvent aller chercher le public là où il est, partager avec lui, et nouer des partenariats avec ces plateformes.

Et depuis, je m’occupe de sports notamment de vérifier l’équilibre entre chaînes payantes et chaînes gratuites, tout en respectant le modèle économique des chaînes payantes. Il ne faut pas que tout le sport passe en payant. Le sport diffusé sur des chaînes gratuites permet d’inciter les jeunes à faire du sport : du tennis en suivant Roland Garros, du vélo avec le Tour de France…

Votre mandat au CSA se termine en janvier 2015. Quels vont être les sujets qui vont vous occuper durant cette dernière année ?

Je tiens à accomplir mon mandat et ma mission du mieux possible. Je vais continuer à travailler tous mes dossiers d’arrache-pied comme je l’ai fait jusqu’à présent. A quoi ça sert d’occuper un poste à responsabilités si ce n’est pas pour agir pour l’intérêt général ?

Je vais donc avoir en charge le sport au féminin. Le 1er février 2014, je vais organiser la première journée européenne du sport féminin à la télévision et à la radio. Il s’agit d’inciter les chaînes à diffuser des programmes liés au sport féminin pour montrer qu’il mérite d’être à l’antenne. Avec les Jeux Olympiques de Sotchi, le CSA va veiller sur la diffusion des Jeux Paralympiques. Sur le placement de produit, je vais étudier la question de  l’intégration dans les programmes de flux. Et bien sûr, je vais veiller à l’application de la charte de lutte contre l’obésité qui vient d’être signée, et vérifier que la réglementation sur les volumes sonores est bien toujours respectée….et traiter plein d’autres dossiers en cours, par exemple la nomination du nouveau président de Radio France.

Votre travail repose sur de nombreuses questions sociétales ou économiques que vous devez trancher. Comment procédez vous ?

Le nouveau président du CSA a donné une impulsion économique au Conseil. Ainsi, nous allons accentuer notre benchmarking économique pour voir ce qui se fait dans les autres pays et prendre ensuite les bonnes décisions. En parallèle, je réalise déjà depuis longtemps mon propre benchmark lors de mes déplacements. Les sujets que traite le CSA sont issus de plaintes remontées par les téléspectateurs, de problématiques remontées dans la presse, et bien sûr, le Conseil peut se saisir lui-même de certains sujets. Contrairement à ce que les gens peuvent croire, les 300 agents du CSA ont un travail juridique et ne passent pas leur temps devant la télé ou à écouter la radio. En France il y a 400 chaînes de télévisions et 900 radios ! Pour notre surveillance, nous avons des systèmes performants qui analysent par exemple le dépassement du temps des publicités. Sur certains programmes à risques, nous pouvons mobiliser quelqu’un pour les suivre ponctuellement. Enfin, nous pouvons être aussi saisis lors de contentieux entre chaînes.

 

par Damien D.

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