Le sommet de Copenhague vu par Philippe Verdier : « Le climat est un dossier global qui place tout le monde sur le même rang. « 

Philippe Verdier, journaliste météo sur BFM TV était l’envoyé spécial de la chaine info au sommet de Copenhague. L’occasion pour nous de tirer un bilan de ce sommet avec Philippe.

Philippe en tant qu’envoyé spécial de BFM TV durant la première semaine du sommet de Copenhague, comment s’est déroulé votre séjour sur place ?

Nous avons voulu éviter les effets spectaculaires avec une avalanche d’images choc (d’ours sur la banquise ou de cyclone au Bangladesh). La rédaction a préféré un suivi permanent de l’officiel et des à-cotés, des éclairages. Au total, 8 personnes sont venus à Copenhague. Nos directs ont duré parfois 12 heures par jour. La chaîne leader française n’en a pas fait autant que BFM TV.

Cette première semaine était consacrée aux débats et forums, avant l’arrivée des politiques. Qu’avez-vous pensé de ces débats ? Etait-ce vraiment constructif ?

Les 10 jours qui ont précédé l’arrivée des chefs d’état ont souligné les points de tensions sur le climat. Au delà de la politique, ce dossier implique toutes les parties prenantes et appelle à une double solidarité. L’une est internationale, les pays du sud ont donné de la voix. L’autre intergénérationnelle. Au Bella Center, les adultes de 2050 n’étaient pas accrédités.

Pour vous, en quoi ce sommet s’est-t il différencié de celui de Bali où vous étiez en 2007 ? La prise de conscience était-elle plus grande, l’implication des politiques aussi ?

Il y a le signal des scientifiques plus grave d’année en année mais surtout le calendrier politique. Le protocole de Kyoto expire dans deux ans. Le nouveau cadre international doit être défini quelques mois auparavant afin que l’économie et la société puissent s’y adapter.. Les déclarations politiques sont souvent plus destinées aux électeurs d’un pays qu’aux négociateurs de la conférence.

Ce sommet a été très médiatisé, des annonces importantes ont été formulées, et pourtant on remarque assez facilement sur le net que tout cela semble loin du quotidien des gens. Des annonces telles « la diminution de 30% des émissions de CO2 » ne sont-elles pas trop floues ?

Si l’on prend du recul, il s’agit d’une conférence de l’ONU et d’un sommet de dirigeants.
La gouvernance mondiale parvient-elle à sauver la planète des guerres, de la faim, des maladies ? Le climat est un dossier global qui place tout le monde sur le même rang. Nous sommes à la fois responsables et victimes de cette pollution mondiale. Aujourd’hui, nous émettons toujours plus de C02 que la veille. Le jour où cela changera constituera le vrai point de rupture.

L’écologie n’appartient plus aux écologistes mais à tout le monde.

Entre les discours et les actes, un certain amalgame semble se faire : mesures écologiques = taxes. La communication en matière écologique manque-t elle de clarté ?

Quelle place donner à la réglementation et à l’incitation ? L’une est indissociable de l’autre pour préserver l’économie et la démocratie. Dans cette abondante communication sur l’écologie. La question première n’est pas de savoir ce qui se dit mais qui parle ? Une entreprise cherche du business. Une politique, des électeurs. Une ONG des adhésions. Un pape, des fidèles. L’écologie n’appartient plus aux écologistes mais à tout le monde.

Le fait que soient médiatisés des gens ou organisations aux antipodes les uns des autres (exemple Greenpeace et Claude Allègre) ne nuit-il pas à l’avancée des débats, ou ne se complait-on dans un affrontement sans fin d’arguments ?

J’ai apprécié finalement que les sceptiques du climat aient droit à la parole. Nous avons invité Allègre à s’exprimer sur BFM TV la veille de l’ouverture de Copenhague. Nous avons aussi interviewé Greenpeace. Malgré les divergences, le débat n’empêche pas la négociation. Il y a aujourd’hui consensus sur le problème mais divergence sur les moyens d’actions. Tout simplement car cette question n’est plus dissociable de questions politiques, sociales, économiques, environnementales. Il est normal que les désaccords soient immenses. Le climat c’est l’enseigne de la globalisation et d’un développement soutenable.

Un accord a été signé mais malgré tout le résultat semble bien en deçà des espérances. N’est-ce pas finalement un vrai coup d’épée dans l’eau ? Le triomphe -une fois de plus- des intérêts particuliers sur l’intérêt général ?

Les gouvernants défendent les intérêts de leur nation. Les mesures à prendre, si l’on veut appliquer le principe de précaution, remettent en profondeur les modèles actuels surtout dans les pays développés. Non seulement c’est impopulaire mais c’est pénible pour beaucoup. Un accord exige une double solidarité. L’une avec les pays pauvres et plus vulnérables. L’autre avec les générations de la fin du siècle.

Le sommet semble avoir aussi péché dans son organisation : soucis avec les accréditations notamment. Dans le fond comme dans la forme, la montagne a accouché d’une souris ?

Les premiers jours cela allait très bien. Je n’ai pas eu de souci. A la fin du sommet sans doute, tout le monde voulait être là où l’action se déroulait avec une sécurité plus que renforcée.

L’Europe a été le seul moteur de ce sommet. Doit-elle pour autant appliquer toutes les mesures qu’elle a prévu, alors que les autres grandes nations n’en feront pas autant, et ce au détriment peut être de son économie ?

Des mesures continentales posent des problèmes commerciaux avec des partenaires moins investis. C’est un engagement écologique responsable. Peu d’entreprises engagées ont fait faillite alors ce n’est pas un mauvais calcul dans la durée.

Un sommet qui voulait changer la face du monde, mais visiblement le père Noel n‘est pas danois. Pour finir sur une note positive, peut-on espérer que les grandes nations s’accordent un jour ?

Je crois davantage à des accords mondiaux par secteur d’activité (énergie, informatique, transport). Cela se pratique déjà avec des résultats.
Je crois que si la gouvernance mondiale échoue sur cette question, on assistera a une prise de pouvoir des collectivités locales. Des mégalopoles américaines, chinoises, européennes ont elles déjà signé des accords. Les villes investissent et agissent. Elles émettent les trois-quart du CO2 et sont donc crédibles.

Merci Philippe pour cette interview au sommet !

 

Propos recuillis par Damien D.

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