Thierry Arnaud : « J’attends avec impatience le début de la campagne présidentielle en France »

Journaliste sur BFMTV, Thierry Arnaud s’apprête à couvrir la campagne des élections présidentielles en France. Mais dernièrement, l’ancien correspondant de BFMTV à New York a signé son retour aux États-Unis pour l’affaire DSK. Entre l’élection de Barack Obama en 2008 et le 11 septembre 2001, Thierry Arnaud revient pour TéléSphère sur ses expériences américaines et l’actualité du moment.

Thierry, quel a été votre parcours et votre formation ?

Je suis diplômé de Sciences Po Paris, d’une école de commerce et en langues étrangères (anglais, allemand) ; j’ai démarré ma carrière dans un magazine financier spécialisé dans les fusions-acquisitions. Mais la bougeotte étant l’un de mes travers de prédilection, je suis parti à Londres au bout de quelques mois, en 1990. J’y suis devenu le correspondant de la Tribune, où je suis resté 15 ans. Quatre ans à Londres, quatre ans à Paris (mais avec beaucoup de voyages en Europe, en Asie, aux États-Unis), quatre ans à New York, et de nouveau trois ans à Paris, à partir de 2002, en tant que rédacteur en chef… Vous me suivez toujours ?.. J’ai quitté le journal en 2005 pour repartir à New York. La bougeotte, je vous dis…

Pourquoi vous êtes-vous orienté vers le métier de journaliste ?

L’Amérique déjà ! J’avais dix neuf ans quand j’ai lu pour la première fois le livre de Bob Woodward et Carl Bernstein, « All the President’s men », à propos de l’affaire du Watergate. J’ai toujours quelque part ce vieux livre de poche abimé que je relis de temps en temps. Ce livre a eu une profonde influence sur moi, comme sur beaucoup d’autres bien sur. J’aime profondément voyager, écrire, raconter, et je me suis rapidement rendu compte que je ne pourrais pas faire autre chose.

Comment et pourquoi avez-vous rejoint BFMTV ?

Pour être parfaitement honnête, j’en étais venu à m’ennuyer à la Tribune. J’étais rédacteur en chef en charge des enquêtes. Je ne me voyais pas passer ma vie dans un bureau à lire les enquêtes des autres. J’ai pris un congé sabbatique et je suis reparti à New York. J’ai multiplié les contacts avant de partir et progressivement, après mon retour dans la Big Apple, une collaboration de plus en plus dense avec BFM TV s’est mise en place, jusqu’à ce que je devienne son correspondant à plein temps. Guillaume Dubois [ndlr : Directeur des programmes à BFM TV] m’a fait confiance, à moi qui n’étais pas du tout au départ un journaliste de télé. Je ne l’en remercierai jamais assez.

Jusqu’en septembre 2009 vous étiez correspondant pour BFMTV à New York. Avec l’affaire DSK vous signez votre retour dans la mégapole. Comment se sont passées ces retrouvailles avec Big Apple ?

Elles se sont d’autant mieux passées que ce n’étaient pas vraiment des retrouvailles (rires). Je retourne à New York plusieurs fois par an, DSK ou pas. J’en ai besoin. J’y ai passé huit ans de ma vie. J’y étais le 11 septembre et je crois que ce que j’y ai vécu à ce moment-là explique pour une bonne part mon attachement viscéral à cette ville. Sans compter… les Yankees (rires). Pendant la saison, pas question de passer par New York sans aller voir un match !

« Ce que je retiens du 11 septembre, c’est aussi le courage et la dignité des New Yorkais »

Thierry, le 11 septembre… 10 ans déjà ! Et il y a 10 ans vous étiez donc à New York. Comment aviez-vous vécu ce drame sur place ?

J’étais à l’époque le correspondant de la Tribune, et ce matin là j’étais à mon bureau, sur la 42ème rue, tout à côté de Grand Central Station. Je peux vous dire exactement ce que j’étais entrain de faire, comment j’étais habillé, au moment où j’ai reçu un coup de fil. J’ai allumé la télévision, et j’ai découvert l’horreur. Très vite, mon immeuble, comme tous les autres, a été évacué. Les rues étaient noires de monde, il n’y avait plus de bus, de métro. Les gens étaient totalement hébétés. J’ai voulu me rapprocher du World Trade Center pour tenter de faire mon métier de reporter, mais la police m’en a empêché. J’ai rebroussé chemin dans une ambiance de fin du monde que je n’oublierai jamais. Je me souviens de ces deux hommes qui se sont croisés dans la deuxième avenue. Le premier a dit : « la deuxième tour est tombée ». L’autre a répondu : « je sais ». Tout ça sans même se regarder, ou ralentir le pas. On aurait dit deux zombies. Il y avait un peu plus haut un salon de manucure, les femmes debout devant un écran de télé, en larmes, la main recouvrant l’expression horrifiée de leur bouche ouverte. Ceux qui remontaient vers le nord recouverts d’une épaisse poussière blanche… Je pourrais continuer encore longtemps. Mais les jours suivants ont été terribles aussi. Cette odeur âcre et cette fumée noire qui continuaient de monter du sud de Manhattan. La menace de l’anthrax. Les gens qui collaient des avis de recherche de proches partout dans la ville. Les rues étaient vides. New York plongée dans le silence. Je me souviens de ce matin où, m’apprêtant à prendre le métro sur la 68ème rue, j’ai entendu soudain un énorme vacarme derrière moi. Je me suis retourné… et j’ai vu deux chars d’assaut descendre Lexington Avenue.

Mais ce que je retiens du 11 septembre, c’est aussi le courage et la dignité des New Yorkais. La façon dont la ville a voulu, en se serrant les coudes et en surmontant son traumatisme, faire – si vous me permettez l’expression – un formidable bras d’honneur aux terroristes.

L’affaire DSK a été une véritable série américaine avec son lot de rebondissement à chaque épisode. Quel regard portez-vous sur la couverture et le traitement média de cette affaire et les difficultés liées au lobbying des 2 camps ?

Je crois qu’il faut parler de trois camps, plutôt que deux – celui de DSK, celui du procureur Cyrus Vance et celui de Nafissatou Diallo. Il est tellement évident que chacun prêche pour sa paroisse que la mise en perspective se fait d’elle même. La vraie difficulté que j’ai rencontrée dans la couverture de cette affaire est que de chaque côté, on s’adressait à la justice, mais aussi à l’opinion publique américaines. Cela laissait vraiment très peu de place, parfois même pas du tout, aux journalistes français. J’ai eu trop souvent l’impression désagréable d’être à la remorque de mes confrères américains, et de relayer leurs infos plutôt que de donner les miennes. C’était frustrant. Et puis la machine judiciaire new-yorkaise est complexe, même si j’avais la chance de la connaître un peu… J’ai du mal à porter un regard distancié sur la couverture, après avoir été en plein dedans. C’était évidemment une énorme histoire au début, y compris aux États-Unis. Est-ce qu’on en a trop fait ? Je n’en suis pas sûr. Beaucoup de gens se sont passionnés pour chacun de ses rebondissements. Nos audiences, à BFMTV, en témoignent. C’est vrai que l’on a tous eu un peu l’impression de voir se dérouler sous nos yeux une série américaine transposée dans la réalité.

Cette tempête médiatique et politique a laissé place à une vraie tempête, Irène. Le ciré-bottes a remplacé le costume-cravate. Dans quel état d’esprit et avec quelle logistique prépare-t on la couverture d’un phénomène climatique aussi violent ?

Nous avons eu peu de temps pour nous préparer. Mon équipe venait d’arriver à Washington pour y tourner le retour de DSK et Anne Sinclair dans leur maison de Georgetown. Avec Timothée Le Blanc, nous avons loué un 4X4, acheté des tenue de pluie et nous nous sommes préparés à bouger dans toutes les directions possibles : vers le Sud si les dégâts y étaient les plus spectaculaires, vers le Nord et New York si la ville était dévastée, à Washington et dans les environs s’il n’était plus possible de se déplacer davantage. Au final, Irene a comme vous le savez produit des dégâts spectaculaires mais circonscrits, ce que nous avons illustré par un reportage dans la baie de Chesapeake. Je ne suis évidemment pas un spécialiste de la couverture des catastrophes naturelles, mais ce que j’en retiens est que leur évolution est par nature très imprévisible, d’où notre idée d’avoir un dispositif qui nous permettait d’être aussi flexibles et mobiles que possible.

« Je n’oublierai jamais l’expression sur les visages à Grant Park au moment de l’annonce de la victoire de Barack Obama »

En 2008 vous avez sillonné les États-Unis dans les travées de Barack Obama, et vécu en direct son triomphe à Chicago. A un an de la prochaine échéance électorale, quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?

C’est tout simplement le plus beau souvenir de ma carrière. Je n’oublierai jamais l’expression sur les visages à Grant Park au moment de l’annonce de la victoire de Barack Obama. Les gens étaient totalement bouleversés, en larmes, mais aussi absolument estomaqués : eux qui s’étaient tant battus pour ce résultat n’arrivaient pas à croire que l’Amérique venait d’élire son premier président noir. C’était un très beau moment d’Histoire. Et puis pour moi il avait été précédé d’un « road trip » de trois semaines à travers les « swing states » qui allaient décider du sort de l’élection. Avec Wayne Bertrand, qui a un talent fou derrière la caméra, nos techniciens Gilles Bailly, Alexandre Huez et Jacques Hubinet, nous sommes allés à la rencontre des musulmans de Cleveland, du fameux Joe le Plombier ailleurs dans l’Ohio, des supporters de baseball à Philadelphie ou de petites villes dévastées par la crise économique… Évidemment, je me rends compte en vous disant tout ça que je n’ai qu’une envie… Recommencer !

Depuis votre retour en France vous couvrez la politique française. Vous avez été des voyages présidentiels à Copenhague, en Inde… Quelles sont les différences par rapport à la relation presse-politique que vous avez connu aux États-Unis ?

C’est très différent. La Maison Blanche est une énorme machine, très structurée. Au cours des dernières 24 heures, j’ai reçu 23 mails de la Maison Blanche. Je sais quelle était la couleur de la cravate de Barack Obama quand il est monté dans l’avion qui l’emmenait vers le Minnesota ce matin, j’ai la retranscription de son discours, une dizaine de messages de mes confrères du « pool » américain qui décrivent chacun de ses faits et gestes jusqu’à son retour à 16h33 précise à la Maison Blanche, en hélicoptère. Je n’ai que deux messages de l’Elysée : pour annoncer la conférence des ambassadeurs et l’ordre du jour du Conseil des ministres de demain. La présidence française n’a pas non plus de porte-parole officiel, équivalent du « press secretary » Jay Carney, qui « briefe » quotidiennement et devant les caméras. Ce qui n’empêche pas Nicolas Sarkozy d’être entouré par une équipe de professionnels de la communication qui font de leur mieux pour nous offrir de bonnes conditions de travail (c’est aussi leur intérêt bien sûr). Franck Louvrier, qui dirige la communication de Nicolas Sarkozy, a perçu l’importance que sont entrain de prendre les chaines d’info. C’est vraiment très dissemblable, mais au bout du compte, je trouve que le résultat n’est pas si différent : les meilleurs journalistes sortent les meilleurs infos.

« Je n’imagine pas une seconde que l’élection américaine puisse se faire sans moi »

Élections Présidentielles en France, aux Etats-Unis, en Russie… l’année 2012 sera riche en événements politiques. Nous donnez-vous rendez-vous pour ces 3 échéances ?

Je vais essayer de ne pas être trop gourmand… et de vous dire deux d’entre elles quand même (rires)… J’attends avec impatience le début de la campagne présidentielle en France. Aussi bizarre que cela puisse paraître pour quelqu’un que la politique passionne et qui a plus de vingt ans de métier, ce sera une première pour moi ! Et ce sera un vrai privilège d’être pour BFMTV aux premières loges pour couvrir la campagne de Nicolas Sarkozy – « s’il est candidat », comme on dit à l’Elysée… Le suspense est insoutenable ! C’est une échéance cruciale pour nous, à BFMTV. Nous avons de grandes ambitions et une équipe très solide est entrain de se mettre en place autour d’Olivier Mazerolle. Deux excellents reporters nous ont déjà rejoint (Jérémy Brossard et Adrien Gindre) et je peux même vous livrer ce petit scoop : Apolline de Malherbe arrive à Paris au service politique dans les prochaines semaines. Nous en sommes tous ravis !

Et quand la présidentielle sera passée en France, après ce que je viens de vous raconter, vous aurez compris que je n’imagine pas une seconde que l’élection américaine puisse se faire sans moi. C’est très gentil à vous de me donner l’occasion de faire passer le message (rires)

Merci beaucoup Thierry pour ce savoureux duplex depuis Washington !

 

par Damien D.

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